Google vient de bouleverser le paysage numérique avec une annonce majeure concernant son initiative Privacy Sandbox, en déplaçant l’attention vers le choix des utilisateurs et en repoussant à nouveau la suppression des cookies tiers dans Chrome. Cette décision stratégique a été révélée par Anthony Chavez, VP de Privacy Sandbox chez Google, après quatre ans de développement intensif et de retour d’expérience provenant de divers acteurs comme les régulateurs, éditeurs, développeurs web, et annonceurs.

Un changement de cap pour le Privacy Sandbox

Lancée en 2019, l’initiative Privacy Sandbox de Google avait pour objectif de créer un web plus privé tout en préservant le modèle d’internet financé par la publicité. L’objectif initial était de supprimer progressivement les cookies tiers, souvent critiqués pour leur atteinte à la vie privée. Désormais, cette approche évolue pour offrir aux utilisateurs un choix éclairé concernant leurs paramètres de confidentialité sur le web.

Désormais, Chrome introduira une nouvelle expérience permettant aux utilisateurs de faire des choix informés sur leurs paramètres de confidentialité. Cette possibilité s’appliquera à l’ensemble de leurs activités de navigation web, et les utilisateurs pourront ajuster leurs préférences à tout moment.

Les résultats mitigés des tests et leur impact

La décision de pivoter vers un modèle de choix utilisateur intervient après des résultats mitigés des premiers tests des API de Privacy Sandbox. Entre janvier et mars 2024, les équipes publicitaires de Google ont mené une expérience pour évaluer l’efficacité des stratégies de mesure et d’audience en utilisant une combinaison des API Privacy Sandbox et d’autres signaux respectant la vie privée. Les résultats ont montré une certaine promesse, mais aussi des défis significatifs.

Les technologies de Privacy Sandbox (Topics API, Protected Audience API, et Attribution Reporting API) combinées à d’autres signaux préservant la confidentialité ont montré une récupération de 89 % des dépenses publicitaires pour Google Display Ads et de 86 % pour Display & Video 360. En termes de retour sur investissement (ROI), les campagnes axées sur les conversions ont vu une récupération de 97 % des conversions par dollar (CPD) pour Google Display Ads et de 95 % pour Display & Video 360.

Toutefois, les résultats pour les campagnes de remarketing étaient moins encourageants, avec une récupération des dépenses publicitaires de 55 % pour Google Ads et de 49 % pour Display & Video 360. Cette performance inférieure est probablement due à la dépendance actuelle du remarketing aux cookies tiers, qui permettent une personnalisation très précise des annonces. La disponibilité limitée des inventaires éligibles, résultant du faible nombre de plateformes côté offre (SSP) testant actuellement Privacy Sandbox, a également contribué à ces résultats.

Réactions et enjeux pour l’industrie

L’annonce de Google a provoqué des remous dans l’industrie de la publicité numérique, qui se préparait à la disparition des cookies tiers depuis des années. De nombreuses entreprises avaient investi massivement dans le développement de solutions alternatives pour le ciblage et la mesure.

La Competition and Markets Authority (CMA) du Royaume-Uni, qui a suivi de près les développements de Privacy Sandbox, jouera un rôle crucial dans la mise en œuvre de cette nouvelle approche. Le rapport de la CMA au premier trimestre 2024 sur les engagements de Privacy Sandbox de Google a mis en évidence des préoccupations continues concernant l’impact potentiel sur la concurrence dans les marchés de la publicité numérique.

Le IAB Tech Lab, une organisation indépendante qui développe des standards pour l’industrie de la publicité numérique, a également analysé de près les propositions de Privacy Sandbox. En juin 2024, le IAB Tech Lab avait publié une analyse finale des lacunes de Privacy Sandbox, identifiant plusieurs domaines où les API proposées ne répondaient pas encore aux besoins de l’industrie, notamment en matière de détection de fraude, de sécurité de la marque et de segmentation d’audience.

Implications pour les éditeurs et autres acteurs

Le changement d’approche de Google répond également aux retours des éditeurs, nombreux à avoir exprimé des inquiétudes quant aux pertes de revenus et aux difficultés à proposer des contenus personnalisés sans cookies tiers. En permettant aux utilisateurs de choisir s’ils souhaitent autoriser les cookies tiers, la nouvelle approche de Google pourrait aider à atténuer certaines de ces préoccupations.

Malgré le changement d’approche, Google réaffirme son engagement à développer des alternatives respectueuses de la vie privée. Les API de Privacy Sandbox resteront disponibles, et Google prévoit d’investir dans leur amélioration continue. De plus, la société prévoit d’introduire une protection de l’IP dans le mode incognito de Chrome, offrant aux utilisateurs des contrôles de confidentialité supplémentaires.

Questions restantes et perspectives d’avenir

Ce changement de stratégie soulève cependant de nouvelles questions : comment les choix des utilisateurs seront-ils présentés et mis en œuvre ? Les utilisateurs comprendront-ils réellement les implications de leurs choix de confidentialité ? Comment cela affectera-t-il l’adoption des API de Privacy Sandbox par les annonceurs et les éditeurs ? Autant de défis que Google devra relever en avançant avec cette nouvelle approche.

La portée de cette décision dépasse Google et ses partenaires publicitaires. D’autres grandes entreprises technologiques, notamment Apple, ont adopté des positions de plus en plus agressives en matière de vie privée des utilisateurs. L’introduction par Apple de l’App Tracking Transparency (ATT) dans iOS 14.5 a considérablement perturbé la publicité mobile, et l’entreprise a critiqué l’approche de Google en matière de confidentialité web. Le pivot de Google vers un modèle de choix utilisateur peut être perçu comme une réponse à cette pression concurrentielle, cherchant à équilibrer les préoccupations de privacy avec les besoins de son activité publicitaire.

Le calendrier de mise en œuvre de ces changements reste incertain. Initialement, Google avait fixé une échéance pour la suppression des cookies tiers, avec une dépréciation complète prévue d’ici la fin 2024. Cette nouvelle approche nécessitera probablement un calendrier révisé, que Google n’a pas encore annoncé. La société indique qu’elle continuera de consulter la CMA, l’ICO et d’autres régulateurs internationaux lors de la finalisation de cette approche.

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